Je crois que personne n'a intérêt à développer la machine à instruire, cette forme particulière d'intelligence artificielle qui remplace le professeur et le maître d'école. Le projet existe. Un cd de maths scolaires de facture récente, par exemple, annonce que toutes les dispositions sont prises "...pour obliger l'élève à travailler avec son ordinateur". Et voilà le professeur virtuel ! Mais c'est beaucoup présumer des capacités réelles de l'ordinateur que penser qu'il va obliger qui que ce soit à faire quoi que ce soit. La proposition est même assez sinistre !

Beaucoup de professeurs, de parents et d'élèves pensent qu'un ouvrage devient à la fois scolaire et ludique quand on y subit un interrogatoire difficile.

Le questionnaire est un principe de composition qui en vaut un autre.

• Si ça vous tente, il est très facile de coupler une question avec un menu où une seule réponse est la bonne. Des simples liens suffisent pour traiter ainsi une série de problèmes. C'est une forme triviale qu'on rencontre à l'école et à la télévision.
• La formulation hypertextuelle sous forme de questions de la solution d'un problème est incomparablement plus difficile et peut réclamer des heures, voire des jours, de travail. Mais l'hypertexte de questions explique la solution sans pour autant aider à trouver une solution. Pour trouver, il faut une volonté, un effort et des émotions. Une machine ne possède aucune de ces choses et ne peut donc pas les enseigner.

Anticipons : l'écriture lamarckienne des "questions dichotomiques" figure dans la partie de ce site consacrée aux "arborescences monstrueuses". En résumé, il s'agit pour Lamarck de composer une série de questions pour trouver "le nom des fleurs sans aucune connaissance préalable de la botanique". Ceci représente un partage d'expertise. C'est incroyablement ambitieux. Le propos de Lamarck est d'appliquer l'hypertexte à l'obtention d'un résultat. Le propos de l'enseignement est différent puisqu'on souhaite obtenir l'apprentissage d'une expertise et que le résultat immédiat d'un exercice donné importe peu.

L'hypertexte qui a la vocation d'être un système expert peut fournir un outil à l'enseignement et ce sans adaptation particulière. Il peut servir à valider une conclusion obtenue par un autre moyen. Trop facile ? Cette application est à rapprocher de celle de la calculatrice électronique.

On a d'abord voulu interdire la calculette à l'école. "Trop facile !", disait-on. On pensait pouvoir ainsi assurer que tous sauraient calculer sur le papier. On a fini par s'apercevoir que tous oublient comment calculer sur le papier tôt ou tard et que le seul résultat efficacement obtenu par l'interdiction est en définitive une mauvaise utilisation systématique de la calculette. L'obscurantisme n'est jamais bien inspiré.

L'hypertexte "expert" facilite l'accès à l'information en aidant le lecteur à circuler dans un ensemble documentaire dans un but précis. Son application à l'apport du savoir l'école peut être utile. Cette application ne remplace pas le professeur. Le professeur qui craint d'être remplacé devrait sortir de la béate ignorance où il s'enferme lui-même - ou trouver un autre travail sans plus attendre.

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