L'auto-détermination est la situation où les données sur lesquelles le procédé opère déterminent elles-mêmes la suite du procédé. Dans un tel procédé, les données produites sont le résultat d'une transformation des données originales opérant sur elles-mêmes et sans l'aide d'un agent humain. L'intelligence artificielle auto-déterminée semble impliquer à terme l'émotion. Le système auto-déterminé devrait "vouloir" obtenir un résultat et devrait éprouver du "plaisir" quand le résultat voulu est obtenu. Ce modèle est défendu par Douglas Hofstadter dans "Ma Thémagie".
L'auteur d'un site a la volonté de focaliser, de classer et de sélectionner l'information. Les auteurs ont tous la volonté de communiquer. Ceci produit dans le web l'apparence d'une volonté collective : c'est une mémoire cohérente, une trace singulière inespérée de la somme des volontés individuelles. La réponse du web à une question est certainement auto-déterminée mais elle ne nous paraît aps toujours "intelligente" quand on la rencontre dans un moteur de recherche !
La question de savoir si l'hypertexte est intelligent peut sembler d'ordre purement spéculatif. Le réseau hypertextuel peut être considéré comme passif. Il n'entreprend rien si on n'y touche pas. Attribuer en même temps l'intelligence et la passivité au réseau, c'est invoquer un modèle de la mémoire humaine développé par le cogniticien Edward de Bono. Dans "The Mechanism of Mind", il postule que la mémoire humaine est une surface passive qui conserve la trace des événements extérieurs. Chaque nouvel événement ne fait que transformer les traces existantes. C'est l'analogie de la surface de cire plate sur laquelle on fait tomber des gouttes d'eau chaude. L'eau s'écoule en empruntant de préférence les chemins déjà tracés par les gouttes précédentes. Ainsi, le résultat de l'écoulement reflète l'endroit où la goutte tombe mais tient compte aussi du motif cumulatif formé par toutes les gouttes antérieures.
| On fait tomber les gouttes de façon à tracer une forme... |
et on obtient... | |
| On fait tomber les gouttes au même endroit de façon à tracer une nouvelle forme... |
et on obtient... | |
On peut dire que l'impression de la lettre "a" se reconnaît dans celle de la lettre "b", ce qui ne serait pas le cas si on lui avait présenté l'image d'une bicyclette. Ce qui est important, c'est que la reconnaissance se fait immédiatement, sans longs calculs et sans dresser au préalable la liste de tous les caractères de l'aphabet latin et de toutes les images des moyens de transport. Cette reconnaissance de la forme s'expliquerait par une longue histoire commune des lettres "a" et "b", mais ce n'est pas essentiel pour le modèle. La cognition humaine, selon ce modèle, serait le fait du cerveau fonctionnant ainsi comme une mauvaise mémoire. Chaque trace serait défectueuse. En voyant la lettre "a", la lettre "b" peut nous venir à l'esprit parce que la fréquente présence simultanée des deux images assure qu'on ne peut pas activer la trace de l'une sans y trouver en même temps la trace de l'autre - et non pas parce que nous avons un jour appris l'alphabet par coeur.
Ce modèle explique certains phénomènes liés à l'apprentissage mais il explique aussi la rapidité fulgurante et la précision de phénomènes comme l'intuition et la reconnaissance des formes incomplètes. Le modèle est ancien mais vigoureux.
L'hypertexte semble conforme à ce modèle. En effet, si parmi tous les liens qui apparaissent à un endroit donné dans un hypertexte en cours de développement, un semble moins incongru que tous les autres, le document cible de ce lien focalisera plus d'effort de rédaction dans un certain sens et attirera d'autres liens encore. Les liens incongrus aboutiront à des documents frustres d'où on ne pourra guère que revenir. Avec le temps, certains liens formeront de véritables autoroutes au sein de l'hypertexte alors que d'autres seront laissés à l'abandon. Le point de vue individuel prime ici. Bien évidemment, chaque site se charge de développer divers liens vers d'autres sites où les autoroutes seront nécessairement très différentes. C'est ainsi qu'on peut être surpris de voir en naviguant sur le web que : le clic sur un lien qui semble se rapprocher vaguement de ce que l'on cherche, dans un document qui n'est que vaguement apparenté, représente le premier pas sur un chemin qui conduit parfois avec une rapidité presque magique au sujet voulu. Parler maintenant de la volonté du web semble presque "couler de source", si vous me pardonnez l'expression.
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