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Denis Diderot. 1713 - 1784.

[ A propos de l'encyplopédie commençante. ]

L'ouvrage que nous commençons (et que nous désirons de finir) a deux objets : comme Encyclopédie, il doit exposer, autant qu'il est possible, l'ordre et l'enchaînement des connaissances humaines; comme Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, il doit contenir sur chaque art, soit libéral, soit mécanique, les principes généraux qui en sont la base, et les détails les plus essentiels qui en font le corps et la substance.

Discours préliminaire, 1751.

[ A propos de l'encyclopédie en cours d'élaboration. ]

Nous avons vu, à mesure que nous travaillions, la matière s'étendre; la nomenclature s'obscurcir; des substances ramenées sous une multitude de noms différents; les instruments, les machines et les manoeuvres se multiplier sans mesure, et les détours nombreux d'un labyrinthe inextricable se compliquer de plus en plus. Nous avons vu combien il en coûtait pour s'assurer que les mêmes choses étaient les mêmes; et combien, pour s'assurer que d'autres, qui paraissaient très différentes, n'étaient pas différentes. Nous avons vu que cette forme alphabétique, qui nous ménageait à chaque instant des repos, qui répandait tant de variété dans le travail, et qui, sous ces points de vue, paraissait si avantageuse à suivre dans un long ouvrage, avait ses difficultés qu'il fallait surmonter à chaque instant. Nous avons vu qu'elle exposait à donner des articles capitaux une étendue immense, si l'on y faisait entrer tout ce qu'on pouvait assez naturellement espérer d'y trouver; ou à les rendre secs et appauvris, si, à l'aide des renvois, on les élaguait, et si l'on en excluait beaucoup d'objets qu'il n'était pas impossible d'en séparer. Nous avons vu combien il était important et difficile de garder un juste milieu. Nous avons vu combien il échappait de choses inexactes et fausses; combien on en omettait de vraies. Nous avons vu qu'il n'y avait qu'un travail de plusieurs siècles qui pût introduire entre tant de matériaux rassemblés la forme véritable qui leur convenait : donner à chaque partie son étendue, réduire chaque article à une juste longueur; supprimer ce qu'il y a de mauvais, suppléer ce qui manque de bon, et finir un ouvrage qui remplit le dessin qu'on avait formé quand on l'entreprit. Mais nous avons vu que, de toutes les difficultés, une des plus considérables, c'était de le produire une fois, quelque informe qu'il fût, et qu'on ne nous ravirait pas l'honneur d'avoir surmonté cet obstacle. Nous avons vu que l'Encyclopédie ne pouvait être que la tentative d'un siècle philosophe; que ce siècle était arrivé; que la renommée, en portant à l'immortalité les noms de ceux qui l'achèveraient, peut-être ne dédaignerait pas de se charger des nôtres, et nous nous sommes sentis ranimés par cette idée si consolante et si douce qu'on s'entretiendrait aussi de nous, lorsque nous ne serions plus.

Tome 5, 1755

[ Cité par Chassang et Senninger (Recueil de textes littéraires français XVIIIé). ]


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