Il faut cependant se méfier de toute généralisation. Beaucoup d'élèves apprennent spontanément des mélodies et montrent beaucoup moins d'enthousiasme à apprendre les accords. Il appartient à chacun de privilégier l'une ou l'autre approche dans un premier temps. De toute manière, il faut apprendre les accords ! Il n'y a pas de voie royale alors autant s'y mettre tout de suite. La connaissance des accords facilite aussi le jeu mélodique.
Les arguments sont à fonds multiples, en l'occurence. Le joueur qui, dans un groupe, ne joue pas les accords, passe pour un égoïste et un ignorant. Dans un groupe, toujours, on s'aperçoit rapidement que chaque membre du groupe produit des improvisations mélodiques séduisantes dont lui seul est capable - et personne n'aurait l'idée de juger ces mélodies. Le joueur qui améliore son jeu d'accords aura toute la considération du groupe car il améliore par là les improvisations des autres membres du groupe. Tout le monde sait jouer un solo. Seul l'initié sait l'accompagner.
Les accords en surbrillance dans le tableau sont à apprendre en priorité car ce sont les plus courants dans la musique ancienne et moderne.
Il y a d'abord le petit groupe d'accords qui exploitent au mieux les cordes à vides et qui produisent un maximum de son pour un minimum d'effort. Chacun des ces accords a une forme qui lui est particulière. Presque tous les autres accords de base sont des formes dérivées de celles-ci.
Mim Sol Do Ré Lam Rém Mi La
Ensuite, il faut apprendre la série des accords "7". On est encore dans un jeu de formes, toutes différentes, mais la dérivation depuis la série principale est toujours évidente.
Si7 Mi7 La7 Ré7 Sol7 Do7
Il y a enfin les formes barrées. Le principe en est simple : on se déplace le long du manche en plaçant l'index comme une barre sur toutes les cordes. On choisit dans la première série un accord pouvant se former avec les trois doigts restants. Le nom de l'accord dépend de la position le long du manche. Voici un début possible :
Solm Dom Fa Sib
Les deux derniers accords, FA et Sib, sont aussi les derniers en surbrillance dans le tableau. Ce sont aussi les plus difficiles à faire sonner car c'est à la première case que le barré demande le plus de force physique. Ça viendra. Et si ça ne vient pas, il faut éventuellement se mettre en quête d'une guitare plus facile à jouer.
Dernière consigne importante : il faut s'habituer à jouer les doigtés indiqués. Les "autres doigtés" qui accompagnent quelques accords ne sont ni pires, ni meilleurs : ils s'obtiennent le plus naturellement du monde dans certains changements.
Légende
On apprend les accords en accompagnant des airs. Il faut commencer par trouver des airs qui plaisent tout en ayant peu d'accords. Le nombre usuellement avancé par les joueurs est trois. Une chanson qui a trois accords est bonne pour apprendre les accords. Voici quelques associations qu'on voit assez souvent. J'ai pris soin de n'indiquer aucune position de barré dans ces tableaux. Si on y regarde de près, beaucoup d'airs qui se jouent sur des accords moins courants entrent cependant dans l'une des associations données dans les tableaux une fois qu'on les transpose dans une autre tonalité.
Tonalité de Mi | Tonalité de La | Tonalité de Ré | Tonalité de Sol |
Si7 Mi La |
Mi7 La Ré |
La7 Ré Sol | Ré7 Sol Do |
Les enchainements avec des accords mineurs sont très courants aussi. Les longs passages à deux accords ne sont pas rares.
Tonalité de Mim | Tonalité de Lam | Tonalité de Rém |
Si7 Mim Lam |
Mi7 Lam Rém |
|
Mim La7 |
Lam Ré7 |
Rém Sol7 |
Si7 Mim |
Mi7 Lam |
La7 Rém |
Mim Ré |
Lam Sol |
Rém Do |
Lam Mim |
Rém Lam |
Note : Dans ces tableaux, les accords "de la basse dominante" sont écrits avec un "7". La basse dominante est celle qui se trouve une quinte au-dessus du ton. Il se trouve que l'accord "7" construit sur cette basse s'harmonise généralement aussi bien que l'accord ordinaire. On est généralement libre de choisir la forme pour ces accords. Il faut se méfier des généralisations.
Certains accords sont donnés dans les tableaux avec des "autres doigtés" ou des "autres voix". Lequel choisir est parfois une affaire de goût. C'est parfois aussi une affaire de pure nécessité.
Il n'est pas rare que cette mise en voix s'impose de façon évidente dans un solo (le début de la Division No 3 de John Walsh en donne un example).
L'intérêt évident est que l'accord se place à proximité des cordes à vide, au lieu d'aller chercher la sixième case. Exactement comme son correspondant dans le tableau principal, son doigté devient plus commode si on laisse de côté ses basses. Un accord qui ne présente pas son ton dans les basses limite bien sûr son champ d'application mais on l'utilise plus volontiers dans l'improvisation.
Il faut observer que les dix premiers accords dans l'ordre italien incluent des positions de barré qui s'imposent à l'époque de la Renaissance parce qu'ils permettent d'accompagner des airs dans les tonalités de Do et de Fa, très courantes pour les flûtes douces.
Voilà donc ce que je choisis d'appeler les accords de base. Le sujet est loin d'être épuisé. Il suffit de regarder les tableaux d'accords anciens pour s'apercevoir qu'il y a d'autres formes simples qui se jouent encore aujourd'hui, même si on les a éloignés des méthodes d'initiation. Et si on regarde les tablatures espagnoles ou anglaises anciennes, les accords du jazz ou ceux des musiques d'Amérique latine, on s'aperçoit qu'il y a un nombre considérable d'autres positions à jouer, toutes simples et belles. Les accords dits de base ne le sont que parce que c'est l'usage chez les guitaristes d'Europe depuis au moins quatre siècles. Cet usage vaut ce qu'il vaut mais on peut sans doute faire pire que le suivre.