Un aperçu | de l'harmonie |
Une nouvelle représentation plausible de l'harmonie musicale
construite sur l'expérience de la consonance
Cette image de synthèse traduit pour les yeux l'effet de deux tons différents joués en même temps par deux instruments de musique similaires comme deux pipes de cornemuse ou deux cordes de guitare par exemple.
Le plus bas des deux tons est constant et s'appelle "do". C'est le ton de référence. Le plus haut des deux tons monte sur deux octaves partant du ton de référence. La consonance entre les "do", représentée par l'empilement vertical des réponses harmoniques, affiche un caractère différent pour l'unisson (à droite) et pour les octaves supérieures. C'est vrai aussi pour tous les autres intervalles. C'est une caractéristique du son des pipes et des cordes. Si cette caractéristique est présente, on dit qu'on a affaire à des tons. Ce qu'on appelle en harmonie classique une "consonance parfaite" se traduit ici par un cercle de grand diamètre situé vers le haut du dessin. |
De haut en bas dans le dessin, les harmoniques du ton de référence qui produisent une consonance avec le ton variable forment un motif visible. Les indices harmoniques vont par paliers partant de 1. Ils correspondent à des nombres entiers. La succession des harmoniques qui composent un ton est une donnée de la nature que nous ne choisissons donc pas. C'est plus exactement une réponse de la nature que nous ne contrôlons en aucune façon. |
De gauche à droite dans le dessin, le ton variable va vers l'aigu de façon continue dans l'intervalle étudié. Autrement dit, on pourrait entendre une infinité de tons entre do et ré par exemple. La succession des tons de la gamme est arbitraire et nous pouvons donc la choisir librement. |
Les facteurs d'instruments appellent ensuite "gamme musicale" une échelle simple de tons qui rencontre approximativement les points les plus chauds. La succession des points chauds est manifestement très régulière sans toutefois s'aligner sur aucune gamme.
Cette régularité entrevue dans une complexité monstrueuse qui n'autorise aucune formule simple - ou même un tant soit peu intuitive - a fait couler beaucoup d'encre de puis de nombreux siècles.
L'étude dont je rapporte ici les premiers résultats tente de décrire objectivement le phénomène de la consonance. Si j'affirme avoir réussi où d'autres ont échoué, ce n'est pas pour m'en vanter mais simplement pour éclairer enfin faiblement un sujet qui me semble expliqué de manière fort obscure dans les quelques ouvrages traitant de l'harmonie musicale que j'ai eu le loisir de consulter.
Le propos de ces images me semble plus important que les techniques mises en oeuvre. En effet, n'ayant pas eu, au départ, une idée bien précise de ce que j'allais trouver, il me suffit que le dessin parle de lui-même. Mon propos a d'abord été d'étudier par la synthèse numérique des sons les rencontres d'harmoniques selon trois gammes simplistes. J'ai ensuite généralisé au spectre continu des tons. Le "succès" d'un graphisme gauche et hésitant éprouve au moins la robustesse du modèle. C'est précisément parce que je suis parti de données purement numériques, en mobilisant au dernier moment des moyens graphiques quelconques, que c'est la nature qui parle dans ce dessin et non pas le programmeur artificieux que je suis !
L'attitude qui m'a toujours semblée la plus acceptable amène à affirmer que l'univers harmonique est si riche qu'il faut d'abord prêter son attention à ce que les musiciens font avant de se préoccuper de savoir quelles règles ils prétendent suivre. Les règles constituent une sorte de patchwork varié et contradictoire de temps en temps, de vallée en vallée et de morceau en morceau. Il n'existe pas, à ma connaissance, une théorie "unitaire" de l'harmonie à laquelle tous les musiciens du monde adhèrent.
Les points chauds du dessin sont connus depuis longtemps. Les théoriciens de la renaissance les ont étudiés empiriquement. Prétextant des calculs savants, tantôt "géométriques" et tantôt "arithmétiques", ils ont affirmé que chaque note de la gamme a une hauteur dont le rapport avec le ton de référence se calcule avec des petits nombres entiers. C'est l'origine de la gamme dite naturelle.
Lorsqu'on calcule ensuite les rapports de proche en proche entre notes voisines, on s'aperçoit qu'ils ont une certaine cohérence : il n'y a que trois sortes d'intervalles entre tons voisins.
On constate enfin que cette disposition fait apparaître deux segments de gamme qui sont strictement égaux (mais qui ne sont pas composés de la même manière).
Les calculs effectués par les anciens ne satisfont pas à nos exigences actuelles de rigueur "mathématique" : trop "tarabiscottés" et reposant sur trop d'hypothèses incongrues. Toutefois, les anciens étaient guidés par la croyance que la musique était le reflet d'un ordre universel de la nature, croyance que les musiciens d'aujourd'hui partagent encore dans l'ensemble. Quoiqu'il en soit, la fantastique aventure qu'est la musique a vraiment du bon : l'analyse spectrale qui conduit aux dessins qui font l'objet du présent article confirme exactement les valeurs trouvés par les anciens et que j'appelle les points chauds de l'harmonie. Il nous importe peu, dès lors, qu'ils les aient trouvées en tâtonnant par exemple.
Le musicien désire jouer des tons qui forment des consonances agréables mais il désire aussi que les tons successifs de la mélodie se placent par paliers réguliers. C'est pourquoi la vieille gamme "rationelle" s'est établie dans l'usage musicale sous une forme approximative où on a plus de chances de comprendre ce que l'on fait.
En effet, lorsqu'on joue, on a autre chose à l'esprit que des rapports numériques complexes. Les luthiers de la Renaissance, charmés sans doute par la simplicité de ce motif, l'ont réalisé en espaçant régulièrement les frettes sur le manche. La guitare joue aujourd'hui encore de cette gamme approximative.
La gamme des luthiers, dite "gamme à tempérament égal", passe assez près des points chauds pour produire quelques consonances agréables mais elle évite par sa régularité absolue les consonances désagréables que produit l'ancienne gamme "naturelle" dans certaines transpositions (changements de ton de référence en cours de morceau).
Le propos de cet article est d'abord de démontrer l'existence objective des points chauds. Ensuite, en examinant de près quelques valeurs numériques, il s'agira de vérifier qu'aucune gamme d'aucune sorte ne passe exactement par les points chauds.
Cet extrait souligne le caractère différent des consonances de la même note dans différentes octaves. |
Les dessins qui se forment dans ces conditions sont reproduits ici sans retouches.
Consonances des gammes sur l'intervalle do#-si
Voici le même type de dessin avec des restrictions
On peut se limiter aux meilleures consonances seulement. Cette figure restreinte traduit assez bien la vision classique de la consonance qui se concentre d'abord sur les rapports entre les petits indices harmoniques pour des tons situés dans l'intervalle d'une octave. |
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Quand on développe les harmoniques pour chaque ton de la gamme, il apparaît que chaque consonance a une texture particulière dans la profondeur verticale. Il apparaît que la consonance n'est pas seulement le recouvrement heureux de quelques harmoniques de faible degré mais aussi un spectre de recouvrements successifs. Le musicien jouant une consonance sent intuitivement qu'il n'entend pas deux tons mais le timbre particulier de leur combinaison. La polyphonie produit ainsi des timbres que la monophonie ignore. |
Je ne dis pas que les théories dites "classiques" sont fausses ou seulement insuffisantes. Elles suffisent au propos de leurs auteurs. Les théories classiques se dispensent seulement de représentations adéquates. A mon avis, cette lacune diminue la vigueur avec laquelle elles s'affirment.
Les idées sur quoi repose le dessin ne sont pas nouvelles. L'idée que la sensation du ton, du timbre et de l'harmonie dépend uniquement de la disposition des harmoniques dans le spectre sonore a été avancée par Hermann Helmholtz au XIXè siècle et n'a pas été sérieusement contestée depuis. Voici les représentations classiques de ces phénomènes.
Le temps s'écoule horizontalement et l'amplitude sonore est verticale. Le mouvement est périodique car il se répète à l'infini. Une périodicité aussi évidente est reconnue par l'oreille qui en conclut qu'il s'agit d'un ton. La forme d'onde que j'utilise dans le modèle est la dent de scie. C'est la forme d'onde qui détermine la sensation de timbre. Chaque instrument produit une forme d'onde qui lui est propre. | |
Une nouvelle onde de timbre identique est superposée. Le ton correspondant est plus haut, et correspond à la tierce majeure. Un ton plus haut "va plus vite" et sa période est plus courte. Le premier ton effectue 4 ondulations pendant que le deuxième en effectue 5. | |
L'oreille perçoit la combinaison des deux tons. Cette combinaison est encore périodique mais sa période est beaucoup plus longue que celles, comparables, des tons originaux. L'oreille ne parvient pas à percevoir cette nouvelle période car la forme d'onde est hachée et très irrégulière. On ne parle donc pas de ton pour désigner ce phénomène. | |
La forme d'onde en dent de scie est le résultat de la somme d'une infinité d'ondes sinusoïdales dites "harmoniques" (on pourrait aussi dire "élémentaires"). C'est la "synthèse de Fourier". La dent de scie de la figure précédente a été obtenue par le calcul de 1000 contributions harmoniques ! Le représentation est un peu confuse et c'est pourquoi on lui préfère le spectre. |
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Chaque ligne verticale du spectre correspond à une harmonique. L'échelle horizontale repère la fréquence. La hauteur de chaque ligne correspond à l'amplitude sonore de chaque harmonique. Le profil formé par la succession de lignes est une nouvelle représentation du timbre. Le ton est caractérisé par un motif très régulier d'harmoniques dans le sens horizontal. | |
Voici le spectre de mi. Le timbre est exactement le même mais le spectre est décalé et l'espacement des lignes est différent. | |
Voici la somme des deux spectres. Il se trouve que les deux tons présentent quelques harmoniques de même fréquence dont les amplitudes s'ajoutent (en rouge). Quant aux autres, elles se disposent diversement, tantôt écartées et tantôt très proches. Comme dans la série de figures précédente, la disparition de la régularité correspond à la disparition de la sensation de ton. Et pourtant, les événements de "consonance" produisent à leur tour un motif régulier. L'oreille perçoit cette consonance noyée dans le désordre ambiant. |
Ces anciennes représentations ont l'avantage d'inclure toutes les données du son entendu. Le dessin qui est sensé représenter la consonance ne tient compte que des lignes assez proches pour qu'on les confonde. Mais c'est précisément ce que le spectre brut ne fait pas puisqu'il n'additionne que les lignes exactement identiques sans tenir aucun compte des interactions possibles entre les autres. Pour peu qu'on considère la consonance entre deux tons un peu faux (c'est le cas pour presque toutes les consonances musicales réelles), le spectre ne révèle rien du tout !
Mon image de la consonance ne rend pas compte de tous les faits : la cassure des timbres réguliers est une caractéristique importante de la combinaison des tons qui n'entre pas en considération. Cette cassure est peut-être trop évidente pour mériter une étude plus approfondie mais elle est peut-être bien le principal, la consonance n'étant qu'une sensation marginale.
Mentionnons aussi les effets visuels animés qui ornent certains logiciels servant à écouter la musique avec l'ordinateur.
Voici un spectre de windows media player. Les points blancs représentent les maxima passés récents. | |
Voici un effet de texture de windows media player. La ligne oblique qui domine le dessin ne correspond à rien dans le son, c'est un élément arbitraire introduit puis manipulé par le dessinateur. |
Un premier objectif est atteint, celui de rendre visuellement la consonance. Le nouveau dessin qui est le propos de cet article peut aider à comprendre certains aspects de l'harmonie sans qu'il soit nécessaire de détailler l'étude sur quoi le dessin se base. L'interprétation que je donne de mon dessin est réellement sans originalité. Ma contribution consiste à aller voir de plus près un phénomène entrevu. On est ainsi en droit d'attendre d'une quelconque théorie la confirmation évidente de l'une ou l'autre idée intuitive qu'on a déjà sentie dans le jeu.
C'est pourquoi je commence cet article par le résultat sans entrer dans les détails du travail qui y conduit. Mes moyens sont simplement ceux de la programmation scientifique. Le travail de programmation est difficile dans sa longueur sans réclamer à aucun instant de talent particulier. La vision du programmeur est originale parce qu'elle s'oriente vers des valeurs que d'autres croient inaccessibles ou inexploitables. La valeur du programmeur réside dans l'accomplissement d'un travail qui rebute la plupart des humains.
Je ne suis investi d'aucune autorité pour imposer mon point de vue. Mes convictions intimes me défendent d'ailleurs d'imposer quoi que ce soit. C'est pourquoi je vous dois au moins une ébauche de plan de construction. La suite de cet article est plus difficile que son commencement. Si vous êtes comme moi facilement diverti, vous y trouverez peut-être quelques explications utiles. Sinon, il n'est pas indispensable de poursuivre la lecture. Au-delà de cette page, la langue devient rapidement beaucoup plus technique.
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