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Qu'est-ce que la musique instrumentale ?

Les réponses les plus banales sont aussi les plus intéressantes :

  1. L'instrument imite la voix humaine. Selon cette définition, le kazoo n'est pas un instrument puisqu'il déforme au contraire la voix humaine. Et la guitare imiterait plusieurs voix humaines, ce qu'on a franchement du mal à concevoir.
  2. L'instrument répète un son. La répétition peut prendre la forme de longues vibrations entretenues (flûte) ou de coups secs (tambour).
  3. L'instrument articule une langue gestuelle. Je crois même que l'instrument a pu se développer en même temps que la parole. Dans ce cas, il produirait aussi des variantes élaborées de signaux humains instinctifs et primaires. L'instrument s'appuie sur un code.

Une réponse plus pratique serait de gratter trois accords en guise de démonstration immédiate. Et d'expliquer ensuite comment ça marche. L'explication est une ébauche de méthode. La musique instrumentale résulte de manipulations suivant une recette avec un instrument qui sonne bien. L'instrument se joue sans effort. Et l'instrument lui-même semble incorporer quelques recettes utiles. On n'a pas besoin de méthode pour jouer d'un instrument. Les guitaristes qui se passent de méthode inventent d'ailleurs des techniques qu'on ajoute ensuite aux méthodes nouvelles. La méthode nous renseigne sur quelques gestes et quelques figures vus chez les uns et les autres. L'ultime facilité du geste est une caractéristique partagée par tous les guitaristes.

Tous les gestes ne se rencontrent pas partout et la technique instrumentale n'est pas dissociable de la musique qu'on joue. C'est pourquoi la méthode est aussi concernée par l'usage et le répertoire. L'usage est indépendant de la pratique individuelle. Dowland, Sor, Reinhardt et Hendrix sont exceptionels mais ils suivent scrupuleusement l'usage du jour.

L'idée de codage est liée à la musique instrumentale puisque le guitariste exécute des gestes et la guitare produit un son. Les gestes représentent, qu'on le veuille ou non, un codage du son. Dans une méthode, on représente nécessairement les gestes par des signes visuels, c'est à dire qu'on "surcode" simplement. Cependant l'idée reçue selon laquelle connaître ces signes revient à "savoir la musique" est vite dépassée. Je préfère l'idée qu'un système de signes dit quelque chose du style musical qui l'engendre. C'est pourquoi je m'attache à multiplier les représentations. Le codage est un sujet légitime du jeu lui-même.

Le code n'est pas tout. Si jouer d'un instrument revient à exécuter un programme, alors ça ne vaut rien. L'art du codage musical consiste à représenter l'idée musicale sous une forme simple et facile à convertir en sons mais sans y enfermer le joueur. Le flou, le suggestif, l'écart de la norme, le bizarre, sans être des vertus, sont autant de moyens pour le guitariste de résumer sur le papier l'activité qui se déroule sur la touche en laissant une place à la pure invention. Pas de fantaisie, pas de musique. On considère depuis le Moyen-age que la musique généralement nous est donnée par les Anges pour que nous puissions Leur répondre. Mais il n'y a pas lieu de parler longuement de cet aspect des choses qui est essentiellement inconscient.

art asciiJohn Calhoun, Ange (détail)

L'art ascii et les manuscrits brouillons que j'affectionne particulièrement reflètent une longue tradition où le guitariste s'arrange pour en écrire le moins possible. L'univers des signes se propage depuis l'instrument dont la touche elle-même devient l'arrière-plan graphique. La grille d'accords est un dessin animé en trois dimensions. Et il est difficile d'extraire autre chose du guitariste qu'une grille. L'instrument fait le reste. L'instrument simplifie tout.

la tête et la touche

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